Les dernières études Gallup sur l’engagement au travail classaient la France parmi les 3 plus mauvais élèves de l’Europe avec seulement 6% de salariés activement engagés, 69% pas engagés et 25% complètement désengagés.

Imaginez à l’échelle de votre entreprise, pour 10 personnes dans un bateau : une seule rame dans le sens de l’entreprise, 3 rament à contre-sens et 6 ne font rien…

A ces résultats déjà très inquiétants, quelles peuvent-être les conséquences de la crise du Covid ?

Tout dépend de comment chaque salarié aura vécu cette période : l’état de santé physique et mental de chacun ainsi que de ses proches, l’adéquation avec les décisions prises par l’entreprise, le lien qui se sera maintenu ou non avec son manager et ses collègues,  les réflexions personnelles et professionnelles que cette pandémie aura suscitées… Ce qui est indéniable, c’est que de nombreux facteurs ont pu écorcher à court et moyen terme l’engagement collaborateurs, déjà en berne depuis années…

Les études sur l’impact du confinement sont encore peu nombreuses. Mais certains chiffres peuvent déjà nous donner un éclairage intéressant :

-D’après le sondage OpinionWay pour Empreinte RH, au 20 avril : 

·       Un quart des salariés déclaraient une dégradation de leur motivation ;

·      Près d’un salarié sur deux est en détresse psychologique (cela touche particulièrement les femmes dont la charge mentale s’est alourdie, ainsi que les managers) ;

·       62% des salariés déclarent une forte fatigue après 6 semaines de confinement ;

·       66% des salariés affirment que la façon dont l’entreprise se préoccupe de leur bien-être conditionnera leur engagement lors du déconfinement ;

-D’après un autre sondage, réalisé par AssessFirst, 67% des salariés déclarent que cette crise les a fait réfléchir sur leur façon de voir le monde et leurs priorités (place du travail, rapport à la consommation…).

Ces chiffres ne seront pas derrière nous à compter du 11 mai. Les effets risquent de perdurer, d’autant plus si l’entreprise ne prend pas en compte cela et fait «comme si» il n’y avait aucune incidence pour ses salariés.

De plus, au-delà des impacts du confinement se rajoutent les nombreuses inquiétudes concernant l’avenir : comment garantir sa santé et celle de sa famille dans ces prochains mois où nous allons devoir vivre avec le virus ? Quelles solutions chacun réussira à trouver pour se rendre sur son lieu de travail et/ou assurer la garde des enfants qui n’iraient pas à l’école ? Quelles conséquences économiques cette crise aura sur l’emploi et le niveau de vie du foyer ?

Bref, au-delà de la réorganisation des espaces de travail et la mise en place des mesures sanitaires nécessaires, on voit bien que l’impact humain est conséquent. Résultat, l’engagement qui était déjà à des niveaux faibles ne risque pas de s’élever dans les prochaines semaines. A moins que l’entreprise en fasse sa priorité et investisse les différentes pistes nécessaires :  

1. Garantir la sécurité de ses salariés

La santé des salariés est aujourd’hui au premier plan. Il est évident que si ces derniers ne sont pas rassurés sur les mesures prises par l’entreprise, ils ne reviendront pas sur leur lieu de travail ou, ils le feront avec une défiance et un sentiment d’abandon importants. Heureusement, la très grande majorité des entreprises ont déjà engagé les démarches nécessaires : commandes des équipements de protection, réorganisation des espaces de travail, mise à jour du Document Unique d’Evaluation des Risques…

A cela, il semble important de :

  • Inclure vos salariés dans ces réflexions. Il y a toujours un décalage entre la vision que l’on peut avoir du travail des autres et le travail réel. Les mieux placés pour envisager toutes les situations problématiques et donc les besoins, voire les solutions, ce sont vos salariés. Les inclure, vous permettra ainsi d’envisager les meilleures options et cela les rassurera également sur votre capacité d’écoute et de prise en considération de leurs spécificités ;
  • Communiquer sans relâche et de façon officielle autour des décisions et actions en matière de sécurité et de prévention des risques. Il serait en effet dommage de prendre toutes les mesures importantes, sans en donner le sens, sans former et sans informer régulièrement ;
  • N’oubliez pas également les risques psychosociaux. En tant qu’employeur, vos obligations concernent à la fois la santé physique, mais aussi la santé mentale de vos salariés. Le Covid-19 est certes une maladie qui menace la santé physique, mais les conséquences de ce que nous vivons et de ce que nous allons continuons à vivre ne sont pas anodins pour notre santé mentale ;
  • Enfin, pour vos salariés en contact direct avec la clientèle, travaillez également avec eux pour s’assurer qu’ils ont tout le nécessaire pour garantir leur santé et celles des clients. La mise en place et le respect au quotidien de tous les gestes barrières nécessiteront d’y accorder un temps conséquent chaque jour. Temps qui ne pourra pas être consacré à d’autres choses. Sachez les rassurer sur ce point et soyez donc très clair sur les priorités.
2. Renforcer les compétences managériales sur le management à distance

Entre manager un jour de temps en temps un collaborateur à distance et manager toute son équipe 5jours sur 5 en télétravail, il y a un écart considérable. Ecart que chaque manager a tenté au mieux de combler pendant cette période de confinement. Mais le management à distance ne s’improvise pas. Et comme celui-ci est amené à perdurer, il est essentiel de faire monter en compétences vos managers sur cette dimension là.

On sait déjà que le rôle des managers est essentiel pour garantir la motivation et l’engagement des salariés. Or la non formation des managers au management à distance a déjà montré un certain nombre de conséquences négatives : sentiment d’abandon, sentiment de surcontrôle, perte du lien collectif, perdition de l’information, création d’un sentiment de défiance… 

Les 6 actions gagnantes du manager à distance
Instaurer un climat de confiance
Clarifier les priorités
Mettre en place des rituels
Mixer individuel & collectif, formel & informel
Pratiquer l'écoute active
Harmoniser l'utilisation des outils
3. Donner de la reconnaissance

Que vos salariés soient restés sur leurs lieux de travail, aient été en télétravail ou en chômage partiel, ils ont subi la situation. Dire simplement MERCI parait à la fois simple, évident, mais en réalité, si peu fait. Et lorsque cela est fait avec simplicité et authenticité, c’est extrêmement puissant. Ce MERCI vient ainsi reconnaitre les efforts réalisés par chacun.

Comme le montre ce schéma, au-delà des efforts, il existe 3 autres volets sur lesquels on peut donner de la reconnaissance au travail.

Reconnaissance

Il est fort possible que vous soyez vous-même plus sensible à l’une de ces 4 facettes et que donc spontanément ce soit celle-ci que vous reconnaissiez davantage chez vos collaborateurs. Pour réamorcer la pompe de la motivation et de l’engagement au sein de vos équipes, pensez à reconnaitre ces 4 versants en renvoyant des feedbacks positifs sur chacun.

Bien sûr, le merci et le feedback ne suffiront pas. Certains, et notamment ceux qui auront assuré la continuité de l’activité sur le terrain pendant la période de confinement, seront en attente d’autres gestes de l’entreprise. Sachez y prêter une oreille attentive et une réponse.

4. Prévoir un temps à but catharsis

Il sera important de permettre à chacun de partager, individuellement avec son manager et/ou collectivement avec son équipe, comment il a vécu cette période.

Pour quelles raisons ? parce que tant qu’on cultive une sorte de déni autour ce qui s’est passé, l’énergie de chacun est déployée à faire « comme si », à être en résistance pour éviter l’explosion de la cocotte minute, tout en ruminant le moindre faits et gestes qui viendra raviver un vécu négatif. Et tant que l’énergie est sur cela, elle ne peut être consacrée pleinement à la réussite de la reprise. Or, c’est bien cela la priorité qui doit tous nous animer.

Même si on évoque de plus en plus l’intelligence émotionnelle, cela reste une compétence encore peu développée en entreprise. Il est donc possible que vous ne vous sentiez pas à l’aise avec ce type d’exercice, et cela est tout à fait compréhensible. Dans ce cas, faites appel à des professionnels. Quelques heures seront suffisantes et bénéfiques. Mais surtout, ne passez pas à côté de cela parce que vous ne vous en sentez pas capable ou vous n’en voyez pas personnellement l’intérêt.

Et si vous vous sentez apte à animer ce type d’atelier, voici un exercice très simple et efficace à réaliser en équipe :

Attention, l’objectif est uniquement un partage de ressentis, permettre à chacun de « vider son sac ». Chacun prend la parole tour à tour et personne ne doit commenter ou questionner les réponses de l’autre, car cela pourrait amener à des justifications. Or, un ressenti ne se discute pas. Il n’est pas question d’avoir tort ou raison, mais de partager son vécu. De plus, cela peut permettre de resserrer les liens car on peut prendre conscience de vécus chez l’autre que l’on n’avait pas soupçonnés.

L’authenticité et le partage de sa vulnérabilité ne sont pas toujours monnaie courante en entreprise, pourtant, ce sont des éléments qui rapprochent et fédèrent les individus.

Analyse emotions
5. Impliquer les équipes dans les décisions

L’engagement est toujours plus fort lorsqu’on inclut les salariés dans les décisions. C’était déjà ce que nous mentionnions dans la partie sécurité, mais ça doit aussi être le cas dans d’autres domaines, et notamment dans les réflexions qui peuvent être menées sur les réorganisations de l’espace de travail, les réorientations d’activités, les priorisations de projets, les transformations culturelles et managériales que vous auriez envie d’impulser après cette période.

Pour en savoir plus, consultez notre précédent article Et si la crise était l’opportunité de réinvestir notre zone d’apprentissage

6. Remobiliser autour d’un cap commun

Pour se remettre en marche, il faut savoir où l’on va et pourquoi on y va.

Si les priorités court terme sont essentielles à communiquer pour assurer une reprise rapide de l’activité, n’oubliez pas, pour autant de redonner le cap à plus long terme. Et surtout, accompagnez- le de sens. Ce fameux why, mis en lumière par Simon Sinek constitue le cœur du réacteur. Si le sens donne envie, s’il raisonne auprès de vos salariés, alors ceux-ci se mettront naturellement en marche. La question du sens est d’autant plus cruciale après cette période, car les cartes, de ce qui étaient considérés comme essentiel ou non, ont été redistribuées.

La question de l’utilité est aujourd’hui omniprésente, à la fois à l’échelle de l’entreprise, mais aussi au niveau de chacun des salariés. Pour les remobiliser, il sera donc nécessaire de verbaliser en quoi l’entreprise est utile dans la situation actuelle et en quoi le poste de chacun est essentiel pour assurer la mission d’entreprise.

Vineet Nayar, dans son livre référence « employees first, customer second » encourageait les entreprises à faire passer les employés avant leurs clients : « la sagesse traditionnelle, bien sûr, impose aux entreprises de toujours faire passer le client avant tout. Pourtant, dans toute industrie de services, la vraie valeur est créé dans l’interaction des employés et de leurs clients. Par conséquent, en privilégiant les employés, un changement fondamental peut être amené dans la façon dont une entreprise produit et fournit une valeur unique pour ses clients, se différenciant par là même de ses concurrents. En associant des employés engagés et un management responsable, une entreprise peut créer de la valeur en très grande quantité, pour elle-même et pour ses clients. »

Le confinement a remis de facto les salariés au niveau de la préoccupation principale de chaque employeur. Pour réussir ce déconfinement et la reprise progressive de l’activité, il fait nul doute qu’il faudra continuer dans la logique du « employees first »

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